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My-Lan Thuong — Renverser la convention, écrire à la verticale

Introduction

Écrire à la verticale ? Le choix de ce sujet d’étude semble à tous les coups déconcerter mes interlocuteurs. Il semblerait qu’autour de cette idée, il y ait beaucoup de croyances, de préjugés, ou tout simplement d’ignorance qu’il conviendrait de commencer par démonter pour permettre d’entrer dans ce sujet. 

La croyance principale est que cette disposition ne concerne que les écritures nord-asiatiques telles que le chinois et le japonais. Ce dispositif d’écriture est alors revêtu d’une dimension exotique. Jouant de ces fantasmes du lointain et de l’inconnu, un certain nombre de films de science-fiction, tels que Matrix ou Star Trek investissent cette dimension pour les écritures imaginaires qu’ils produisent. Au-delà du recours à des signes non familiers, le dispositif vertical ajoute à la mystique de ces écritures. Cela leur donne une dimension encore plus inaccessible et cryptée, correspondant à d’autres univers, d’autres temps (futurs) ou même à un langage non-humain (en l’occurrence, celui des machines dans Matrix). Cet aspect « étranger » de l’écriture verticale imprègne l’imaginaire collectif de nos sociétés occidentales.

Ainsi, quand je précise que je m’intéresse à l’écriture verticale de l’alphabet latin, la surprise se transforme en scepticisme. L’alphabet latin s’écrit et se lit, traditionnellement, horizontalement de gauche à droite. Les caractères ont été conçus et ont évolué au fil des siècles avec cette contrainte, se liant notamment les uns aux autres par la manuscription. Pour autant, cela implique-t-il que l’on puisse rétorquer que l’écriture verticale du latin « ne se fasse pas ? » Cette expression familière résume une double croyance tenace. À la fois que cela n’est pas fait, n’existe pas et que cela ne devrait pas se faire, n’est pas correct. Il existe une sorte de tabou (en typographie) quant à l’option verticale. Les plus modérés penseront que cela est tellement rare qu’il n’y a quasiment rien à en dire. Les plus radicaux oscilleront entre le déni de ce sens d’écriture pour l’alphabet latin et le rejet ferme de ce choix d’alignement. Ces réactions accentuent l’intrigue qui règne autour de l’écriture verticale.

Avant de plonger dans cet univers peu exploré, je suis moi-même passée par certains de ces a priori et craintes. Mais en m’intéressant plus avant à ce dispositif d’écriture, je n’ai cessé de cumuler de surprenantes découvertes. Au fur et à mesure de ma recherche, se sont amassés un grand nombre d’exemples d’écrits verticaux, de toutes les époques, de tous les coins de la planète, dans des champs d’application très diversifiés, de l’enseigne de tabac au poème concret, en passant par la religion ou le graffiti, avec des fonctions allant de l’utilitarisme à l’expression individuelle, et cela en prenant des formes très variées et plus ou moins inédites. Le point commun de tous ces écrits est le dispositif d’agencement des signes les uns vis-à-vis des autres. Une écriture sera qualifiée de verticale lorsque les caractères (unités graphiques) qui la composent sont visuellement agencés les uns sous/​sur les autres (que cela résulte de la rotation du mot ou non) dans leur espace de composition et de présentation.

Les choix de dispositifs d’écriture et de composition du mot, bien que rarement évoqués, encore moins interrogés ou analysés, peuvent faire surgir de nombreuses questions. Premièrement, pourquoi et comment écrit-on à la verticale avec l’alphabet latin ? Deuxièmement, qu’est-ce qui peut expliquer le recours à l’alignement vertical dans tel ou tel contexte ? Qu’apporte le dispositif vertical à cet écrit ? En quoi contribue-t-il à son impact ? Est-il contraint ou délibéré ? En quoi fonctionne-t-il bien dans ce cas de figure, ou non ? Enfin, comment l’étude de cette solution d’écriture nous permet-elle de repenser la lecture et l’écriture ? Qu’est-ce que cela nous aide à comprendre de notre écriture alphabétique ? Quels possibles s’ouvrent alors à l’intégration de cette dimension ? 

Cette étude ne prétend pas rechercher l’exhaustivité mais tente d’englober un panel relativement large pour être représentatif des multiples facettes et fonctions des écritures verticales. Au-delà d’un inventaire, il s’agit de proposer un point de vue insoupçonné sur l’écriture, en bousculant nos habitudes et réorientant notre regard sur l’alphabet latin.

Regarder ailleurs

Remarquer les enseigne(ment)s autour de soi

C’est en partant des éléments les plus communs du monde profane que nous pouvons aspirer à en saisir la texture complexe et multiple. C’est également en rassemblant ces différents fragments fortuits de la vie quotidienne que nous serons à même de voir dans les parties le tout qui les lie. 

–Bruce Bégout

Le dispositif vertical se retrouve très fréquemment utilisé dans le domaine de l’enseigne. Si les signes sont majoritairement horizontaux sur le dessus de la devanture, ils se déploient très souvent à la verticale sur les autres supports. Dans ce contexte, ce dispositif ne paraît pas surprenant, entrant même dans le registre de l’habitude.

L’enseigne se définit légalement comme « toute inscription, forme ou image apposée sur un bâtiment et relatif à une activité qui s’y exerce ».Ministère de l’écologie, Guide pratique — La réglementation de la publicité extérieure — Avril 2014” Cette définition large englobe tous les écrits relatifs à l’identification d’un lieu : son nom, son activité, sa nature, les produits ou services vendus… Les enseignes font partie intégrante du paysage urbain, elles y foisonnent, se concurrencent, se ressemblent et se distinguent à la fois. Elles constituent le vernaculaire, le témoignage d’une culture et d’une époque sous sa forme « ordinaire ». Cette étude se consacre à l’analyse de ces écrits dans leur composition verticale, sous leurs multiples formes. Il ne s’agit pas de mettre à jour des vérités mais plutôt de poser un regard sur ces inscriptions du quotidien pour en extraire des questionnements. Pourquoi cet alignement est-il si utilisé pour cette fonction ? Est-ce justement une question d’efficacité ? Cela sert-il ou dessert-il la mission de promotion portée par ces écrits ? Y a-t-il une résonance à chercher avec la verticalité du bâti ? L’habillage produit vient-il éclipser ou entrer en cohésion avec son environnement ? Quelles sont les formes utilisées et quels sont les effets produits ? Quelles propositions offrent quelles solutions à l’écriture de mots latins dans ce sens ?
Flâneur à la recherche d’inattendu, ou errant en quête de connu, ces deux postures de spectateur du monde environnant se retrouvent prises en compte dans le choix de certains types d’établissements à innover formellement pour se singulariser ou à créer une certaine homogénéité du traitement graphique pour être reconnus.

Flânerie parmi les enseignes

L’enseigne de motel américain

La carotte de tabac

Écrire (sur) l’architecture

Rapprochement

Fusion

Éclipse

Remplacement

Ville-texte

Investir les espaces

Les graffitis

La signalétique au sol

Condamner ou (prop)oser

Un crime typographique

La police de caractères Bungee

Écrire en deux dimensions

Lectures et discontinuité

Jeux de mots

Poésie concrète

Au-delà

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