Les écritures régionales du Sud de l’Inde sont nombreuses, diverses et massivement utilisées, pourtant elles n’ont que très peu de développement typographique et quasi aucune visibilité à l’internationale. Elle sont fragiles face à l’utilisation croissante de l’alphabet latin et sont davantage susceptibles d’en emprunter l’esthétique culturelle car elle n’ont pas de tradition calligraphique. Ce projet expérimente l’écriture tamoule (région du Tamil Nadu, Sri Lanka), dont la pauvreté typographique est à la fois quantitative et qualitative, et ce malgré une culture visuelle riche et polymorphe. Existe t-il en tamoul la même élasticité, malléabilité des signes qu’en écriture latine ? Le tamoul étant strictement linéaire, est-il possible d’apposer d’autres logiques formelles, moins restrictives, comme par la masse, ou la vitesse ?
La recherche et l’investigation a été une partie importante du projet, afin notamment d’éviter d’apposer un regard fantasmé ou exotique sur cette culture très différente. Les sources choisies sont délibérément vernaculaires (échantillons d’écritures quotidienne, peintures d’enseignes, graphisme local), et appuyés par des immersions sur place, consultations d’archives, dialogue régulier avec locuteurs tamouls, analyses morphologiques, historiques, constitution d’une base de données, etc.
Ces trois caractères démontrent une gymnastique de la lisibilité, entre un extrême dessiné (logique de structuration typographique, forme synthétique) et un extrême écrit (logique linéaire, soumis au geste et à sa vitesse, forme scripte). Le caractère intermédiaire, de labeur classique, a subit une intervention de détail afin de conserver ses caractéristiques fonctionnelles. Sa forme est didactique, et montre la façon la plus normale, maitrisée et controlé de tracer l’écriture.Sans présupposer d’usage précis, ces trois fontes on été harmonisées pour fonctionner ensemble, comme outils de hiérarchisation par exemple.
Il apparait que l’écriture tamoule est vivante, souple et diversifié, et que l’on gagnerait à s’intéresser d’avantage à des systèmes d’écritures minoritaires. Cela pourrait, à long terme, participer à lutter contre une perdition de certaines formes de cultures traditionnelles, mais également favoriser des échanges qui ne soient non plus soumis à une relation de domination mais davantage à un transfert d’influence, l’Inde ayant à apprendre des traditions typographiques occidentales et l’alphabet latin ne pouvant que s’enrichir d’un répertoire visuel différent que celui sur lequel il se repose jusqu’ici.